Décrépitude

« Je crée de l’antibijou. » De la part d’une artiste joaillière, la déclaration étonne. Pour Mélanie Denis, le bijou « anti » est plus qu’un élément de décoration corporelle : la bague, le collier, le bracelet, le pendentif doivent être en mesure de présenter une histoire qui leur appartient en propre et « exister de façon autonome en tant qu’objet d’art ».

Sans doute ce désir d’intégrer le bijou et l’objet d’art dans une même création lui vient de son parcours. Avant d’entamer une technique en joaillerie, Mélanie Denis a d’abord complété un DEC en arts plastiques et un baccalauréat en arts visuels. Puis, elle a enchaîné avec un certificat en enseignement des arts plastiques au niveau collégial. Elle crée ses collections dans son atelier situé à Québec, et ce, depuis maintenant 2008.

La démarche artistique de l’artiste joaillière tente d’arrimer à la fois l’univers sculptural du bijou et l’aspect bidimensionnel du dessin ou de la peinture. Le collage et l’incorporation de divers matériaux recyclés comme des éclats de verre d’un abribus, des hameçons rouillés ou de vieilles photographies composent ses pièces. Elle aime l’unicité que ces morceaux apportent à chaque création. Ainsi, plusieurs petits détails graphiques, souvent à observer de près, enrichissent chaque création pour lui conférer un caractère plus énigmatique.

Par ailleurs, le contraste de matières est omniprésent dans ses pièces. La fragilité et l’éphémérité des graphiques coulés sous une résine limpide s’opposent à l’effet déconstruit et industriel des masses métalliques et des pièces de béton présentes dans ses créations. L’idée ici est de négliger la matière, la briser, la tordre ou la froisser, évoquant le passage du temps sur le monde qui nous entoure. Cette distorsion faite à l’argent sterling vient aussi remettre en question l’idée que cette matière est noble et qu’elle doit être présentée dans une facture léchée et précieuse.

Ci-dessus: collier argent sterling, rouille, béton, photo, résine